LA GROSSOPHOBIE

Culture des régime et grossophobie

La grossophobie, c'est l'ensemble des discriminations, des comportements, des oppressions à l'encontre des personnes considérées comme grosses. Dans nos sociétés, nous baignons dans la culture grossophobe sans forcément nous en rendre compte. La grossophobie est présente à deux niveaux : au niveau systémique, c'est-à-dire au cœur même de notre système qui oppresse et discrimine les personnes perçues comme grosse, et elle est aussi présente à un niveau plus sournois : banalisée, normalisée, intégrée à l'intérieur de nos croyances et perceptions. La grossophobie est présente partout, de manière plus ou moins camouflée, mais elle conditionne nos représentations, nos comportements, s'infiltre dans nos pensées, notre manière de percevoir les autres et nous-mêmes. Un exemple récent de fat-shaming ? Rappelles-toi des moqueries dont ont été victimes la championne de rugby Ilona Maher, la gymnaste Alexa Moreno ou encore la judokate Romane Dicko pendant les JO de Paris été 2024. 

Les morphologies variées font partie de nos caractéristiques humaines. Notre poids dépend de très nombreux de facteurs : génétique, métabolisme, constitution, problèmes de santé (à l'origine de la prise de poids et non comme conséquence de celle-ci), etc. Vouloir normaliser un type de corps standard est illogique. Comme si on était responsable de notre corps, de notre masse corporelle. Cependant, nous ne sommes pas égaux ! Il serait bien plus judicieux de véhiculer et encourager la diversité des corps. Comme nous sommes baigné·es dans cette culture grossophobe, c'est très difficile de s'en rendre compte. Je t'invite à être attentive·f à tous ces signes de grossophobie qui t'entourent. À réfléchir, la prochaine fois qu'un jugement te concernant ou concernant une autre personne te viendra en tête : pourquoi as-tu cette pensée normalisée ? 

La grossophobie est un phénomène très présent dans nos sociétés. Elle nous concerne tous et toutes. Ce n'est pas du tout un phénomène isolé ni anecdotique. 

Définition : 

C'est quoi la grossophobie ? Le terme peut prêter à confusion. Étant construit avec le suffixe -phobie en français (en anglais on dit fat-phobia) on pourrait croire qu'il s'agit d'une peur des personnes grosses comme par exemple l'arachnophobie qui est la peur panique des araignées ou l'aquaphobie qui est la peur de l'eau.

En réalité le mot grossophobie désigne l'ensemble des discriminations, des comportements, des oppressions à l'encontre des personnes grosses.

Les attitudes et comportements plus ou moins hostiles qui discriminent et stigmatisent les personnes perçues comme grosses sont nombreux et présents dans de très nombreux domaines de la vie quotidienne. C'est un vaste sujet et je ne pourrai pas être exhaustive dans un seul article. Si le sujet t'intéresse, tu trouveras de nombreux livres, podcasts, documentaires pour approfondir cette question. Je te donnerai quelques références à la fin de cet article. 

Définition : la grossophobie est le comportement qui discrimine et stigmatise les personnes considérées comme grosses. Ce terme est apparu dans les années 90 et est dans le dictionnaire depuis 2019. Il s'agit en fait d'un système de croyances ! C'est subjectif. 

La langue anglaise a intégré depuis les années 2010 les termes de « weightism » et « weight stigma » pour désigner plus précisément l'ensemble des discriminations et stigmatisations et celui de « fat shaming » pour parler des humiliations. 

Des exemples de discriminations :

-la culture du sport et du fitness est particulièrement grossophobe, les salles de fitness notamment ne sont pas adaptées en terme de matériel et sont souvent un environnement hostile qui n'encourage pas les personnes grosses à pratiquer

-des structures qui ne sont pas adaptées : fauteuils de bus et de cinéma, ambulances, sièges des attractions dans les parcs de loisir

-accès à l'habillement, trouver sa taille de vêtements, manque de grandes tailles pour les équipements professionnels (de sécurité, uniformes...)

-relations aux autres, critiques et microagressions (même dans la famille, pensez à certains repas de famille...) voire harcèlement

-discrimination à l'emploi 

Les clichés et croyances : 

-on croit qu'être gros ou grosse c'est être en mauvaise santé. Or, on peut être gros et en bonne santé. Ou parfois, ce sont les problèmes de santé qui entraînent une prise de poids

-on considère qu'être gros ou grosse c'est être moche. Cela ne correspond pas aux standards de beauté les plus répandus

-les personnages gros ou grosses sont peu valorisés ou reproduisent les clichés dans la culture pop (cinéma, publicité...la personne grosse dont on se moque, celle qui est considérée comme non désirable, ou encore le cliché de la personne boute-en-train sympa)

-on croit qu'être gros ou grosse c'est ne pas faire d'effort, c'est être fainéant·e, ne pas faire attention à ce qu'on mange, ne pas se bouger

-on croit que dire à quelqu'un qu'iel est trop gros·se c'est lui rendre service car iel est considéré·e en mauvaise santé et maigrir serait pour iel être en meilleure santé

-on se permet plus facilement de critiquer les personnes qu'on considère en surpoids, qu'on ne se permettrait pas sur d'autres comportements qui eux sont plus dangereux pour la santé... 

L'indice de masse corporelle : 

Le concept d'IMC a été créé au XIXe siècle par un statisticien. Il avait pour but de faire une classification, purement statistique, des hommes blancs. Ce concept d'IMC a ensuite été utilisé dans les années 50 par les compagnies d'assurances américaines. Il s'agissait d'un outil mercantile donc. C'est dans les années 1990 que l'OMS a décidé d'utiliser cet indice comme outil pour mesurer les risques en santé. Il est calculé en divisant la masse en kilogrammes par le carré de la taille en mètres. Il est considéré comme normal quand il se situe entre 18,5 et 25. Mais jusqu'en 1998, la norme était située entre 20 et 27,5. On ne sait pas trop ce qui a déterminé ce changement, mais il n'est basé sur aucune raison scientifique. 

On accorde trop d'importance à ce qui n'est en fait qu'un indicateur parmi tant d'autres. Pris tout seul, il n'a pas vraiment de sens s'il est sensé montrer les risques pour la santé. Il n'a pas vraiment de lien avec la bonne ou la mauvaise santé justement ! C'est une mesure décontextualisée, qui en fait n'a pas de bases scientifiques ni dans la manière dont il est calculé ni dans ce qu'il montre. 

La médecine est de plus en plus convaincue que l'IMC est grossophobe et n'est en fait pas un indicateur de bonne santé. Par exemple, il ne prend pas en compte la composition (graisse, muscle, eau, taille des os...), il ne montre rien sur la composition de l'alimentation (contenu riche, varié...) ni sur l'hygiène de vie (bouger suffisamment...). L'IMC ne tient pas compte des autres comportements qui pourraient être mauvais pour la santé (consommation d'alcool, de tabac...), ne prend pas en compte la santé mentale, ni la génétique, ni les facteurs psychosociaux (niveau de vie, rythme de travail, etc). Pas de prise en compte d'autres facteurs comme le sexe, l'âge, l'origine ethnique... 

Grossophobie médicale : 

Dans le milieu médical, on accorde une grande valeur à l'IMC. La limite la plus basse est valorisée par exemple. On manque souvent de matériel médical adapté aux corps les plus gros. De nombreuses personnes qui viennent consulter pour des problèmes de santé se voient systématiquement renvoyées à leur poids. Un des risques de cette attitude de la part du personnel médical est que les personnes considérées en surpoids n'osent plus consulter et s'exposent à un retard de prise en charge de leur maladie. La médecine a aussi souvent tendance à tout mettre sur le compte du surpoids : vos problèmes médicaux seront résolus quand vous aurez perdu du poids. L'accès à certains soins, à la PMA, etc, est limité pour les personnes au-delà d'un certain poids. 

Les troubles du comportement alimentaire (TCA) : 

Il s'agit de troubles psychologiques. Par exemple l'anorexie, l'orthorexie, les crises d'hyperphagie... ces troubles peuvent entraîner des conséquences sur le poids, sur la santé physique et mentale (dysmorphophobie, image corporelle, conduites suicidaires, aménorrhée, etc). Les TCA pourraient faire l'objet d'un article à part entière. J'attire votre attention sur le fait qu'une personne en surpoids n'est pas forcément une personne ayant un TCA ni même un rapport dysfonctionnel à la nourriture. Il n'y a même pas toujours de lien entre la qualité et la quantité des aliments que la personne mange et le poids qu'elle fait. Comme mentionné au début de cet article, l'alimentation et l'exercice physique ne sont pas les seuls facteurs agissant sur la masse corporelle d'un être humain ! 

Le body Shaming :  

C'est le fait de se moquer, de critiquer le corps de quelqu'un pour qu'iel se sente honteux ou honteuse. On en trouve de nombreux exemple dans les magazines people qui ne font pas de cadeaux sur les photos et vont jusqu'à entourer les bourrelets en rouge comme s'il s'agissait d'une faute à corriger ! Les femmes sont les plus concernées. C'est principalement du fat shaming. 30 % des français ont été la cible de moqueries sur leur apparence physique. Ce phénomène a pris de l'ampleur avec les réseaux sociaux, en particulier sur Tik-Tok, champion de la culture des régimes. Aujourd'hui, une jeune fille sur 5 entre 12 et 15 ans a été insultée sur son apparence physique. Parfois cela va jusqu'au cyber harcèlement. Les conséquences sur la confiance en soi, sur la perception de soi, sont délétères. Le body shaming participe à une construction déformée de l'image du corps avec parfois de lourdes conséquences. 

Grossophobie internalisée : 

Nous ne sommes pas tous concernés, impactés par la grossophobie en tant que personnes discriminées. Seules les personnes considérées comme grosses sont victimes de ces discriminations. Cependant, nous avons tous internalisé une partie des concepts grossophobes et risquons de tenir des propos ou d'avoir des comportements grossophobes.

Un autre impact de la grossophobie internalisée est le jugement qu'on porte sur soi-même. Peur de grossir par exemple. Body . Pouvant aller jusqu'à la dsymorphophobie par exemple (perception déformée de son corps et rejet de celui-ci). Peut développer des trouble du comportement alimentaire ou simplement des comportements alimentaires mauvais pour la santé comme faire des régimes par exemple. 

Ressources que je souhaite te partager : 

Le livre « Hunger » de Roxane Gay raconte son histoire. L'élément déclencheur de sa prise de poids mais surtout toutes les difficultés du quotidien qu'elle rencontre en raison de son surpoids. Elle relate l'inadaptation de la société aux corps gros. Elle donne de nombreux exemples : comment marcher quelques mètres est une épreuve, comment réserver un vol en avion nécessite de payer deux places, comment certains sièges dans les restaurants lui ont fait vivre des situations embarrassantes, comment le matériel médical adapté fait défaut. C'est un livre très concret, édifiant, qui fait prendre conscience de beaucoup de choses. Attention, ce livre nécessite d'être dans de bonnes conditions pour le lire car il est assez dur. 

La série « My mad fat diary », série anglaise de 2013 en 16 épisodes. La série raconte l'histoire de Rae, adolescente en surpoids vivant à Stamford petite ville de l'est du Royaume Uni. Sharon Rooney joue le rôle principal et on retrouve notamment Jodie Comer et Ian Hart. Les thèmes principaux sont les relations aux autres, que ce soit les ami·es, les amours ou les liens familiaux (mère-fille, en particulier), l'image du corps et la santé mentale. L'histoire se passe dans les années 90 et les références culturelles et musicales sont vraiment chouettes. La série est extrêmement bien faite car très réaliste, honnête et sans jugement. Elle dépeint vraiment ces questions d'obésité et de santé mentale, les difficultés et les joies d'une jeune personne en construction, avec ses difficultés, ses questions existentielles, sa place dans la société, ses relations parfois complexes... Le livre dont est inspirée la série, « My Fat, Mad Teenage Diary » de Rae Earl est uniquement disponible en anglais. C'est l'histoire vraie légèrement romancée de l'autrice, écrite comme un journal intime. Le ton est sympa mais, selon mon point de vue, pas aussi profond et touchant que la série. Elle est disponible en replay sur Channel 4. 

Je recommande également le compte instagram : « je n'ai plus mes règles » dans lequel Florence Gilet déconstruit les injonctions à perdre du poids, dénonce la culture des régimes, donne des éléments notamment concernant la santé des sportives et les conséquences sur le cycle féminin. 

Une autre ressource intéressante est le podcast « Reset ton assiette » animé par Juliette « The Last Quiche » et qui déconstruit pas à pas et de manière très complète la culture des régimes, les absurdités concernant les corps, et donne des éléments concrets pour retrouver une alimentation intuitive.

Les morphologies variées font partie de nos caractéristiques humaines. Notre poids dépend de très nombreux de facteurs : génétique, métabolisme, constitution, problèmes de santé (à l'origine et non comme conséquence), etc. Vouloir normaliser un type de corps standard est illogique. Comme si on était responsable de notre corps, de notre masse corporelle. Cependant, nous ne sommes pas égaux ! Il serait bien plus judicieux de véhiculer et encourager la diversité des corps. Comme nous sommes baignés dans cette culture grossophobe, c'est très difficile de s'en rendre compte. Je vous invite à être attentive et attentif à tous ces signes de grossophobie qui vous entourent. 

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